Les Chemins

(Putevi)

« J’ai trouvé mon chemin, est-ce le bon, c’est à vous de juger»

Sava Šumanović

Production: Avala film, Beograd, 1958.
Scénario: Aleksandar Petrović
Réalisateur: Aleksandar Petrović
Consultant couleur: Danica Stajić
Caméraman: Nikola Majdak
Montage: N. Habić
Assistant réalisateur: M. Borota
Assistant caméraman: L. Kekić
Collaboration musique: Lj. Popović
Directeur du film: Vlastimir Jovanović

Film sur la vie et l’œuvre du grand peintre yougoslave Sava Šumanović, arrêté car ethniquement serbe et exécuté par les fascistes croates en 1942. Le film commence par un bref entretien avec la mère de l’artiste qui se souvient du matin où la police du NDH (Etat Indépendant Croate, état fantoche de l’Etat allemand nazi) est venue arrêter son fils et l’emmener par son chemin favori, qu’il peignait sans cesse, inspirant le titre du film, Les chemins.

Prix, distinctions, festivals:

  • Grand Prix pour la réalisation au VIFestival du film yougoslave de Pula, 1959
  • Grand Prix du VFestival international du film documentaire à Tours, décembre 1959
  • Festival du court métrage d’ Oberhausen,.1959
  • XFestival international du film documentaire et du court métrage de Venise, 1959.
  • Festival de Bergamo, Italie, 1959
  • Biennale de l’art, Paris 29.09 – 05.11.1961
  • Festival du film documentaire de Rennes, novembre 1992 (programme spécial)
  • Festival l’Europe autour de l’Europe, Paris-Normandie, 2007
  • Festival l’Europe autour de l’Europe, Paris-Normandie, Héros et Antihéros, 2011
Festival l’Europe autour de l’Europ

Festival l’Europe autour de l’Europ

Ce film retrace l’œuvre et la vie tragique du peintre serbe Sava Šumanović. Cet artiste peu connu en France est un des grands maîtres de la peinture yougoslave de l’entre-deux-guerres. Par son œuvre, Šumanović a établi un pont entre l’art yougoslave et les plus importants évènements artistiques de cette époque, notamment le cubisme. Après un bref séjour à Paris, il se retire dans sa ville natale Šid. Ses peintures, qui constituent le summum de l’art yougoslave de l’époque, figurent parmi les meilleures oeuvres de l’art européen. En 1942, les oustachis fascistes  enlèvent Šumanović et l’emmènent à l’exécution par le chemin qu’il représentait dans de nombreux tableaux.
Aleksandar Petrović tourne Les chemins pour faire connaître au monde ce grand peintre resté méconnu qui, retranché dans sa solitude et sa tragédie intime au cœur de la plaine pannonienne, a créé une cœuvre d’une valeur artistique inestimable. Aleksandar Petrović avait un diplôme d’Histoire de l’Art et a été critique d’art pendant plusieurs années. Ses connaissances et sa passion pour l’art pictural lui ont permis d’exprimer son sujet d’une manière authentique, propre à lui-même.

Critiques:

« En quinze minutes du film nous voyons plus, nous ressentons plus, nous découvrons bien plus du peintre dont nous voyons les tableaux, qu’en une journée d’étude du texte didactique du catalogue d’une exposition. Ce film est un enchantement des mains d’un maître. » Dušan Makavejev « Srećna šetnja » Politika 22 mars 1959

Aleksandar Petrović à propos du film Les chemins

Les notes en bordure de la bobine

FILM DANAS – 1950-1965 NOVI FILM (Editeur Institut za film Beograd) «On dit que c’est très mauvais que les films d’un réalisateur se ressemblent: «encore lui! Il se répète…». Le moyen le plus simple d’y remédier est de choisir des thèmes variés d’un caractère et d’un lieu totalement différents. Il arrive cependant que la matière avec laquelle vous vous battez vous éveille; qu’il vous semble que vous n’avez pas encore suffisamment découvert son mystère.

C’est ainsi qu’a vu le jour le film Les Chemins.

Je serais néanmoins injuste si je liais la continuité (la suite) de mon travail à mon seul intéressement à ce genre de cinéma.

Je serais, néanmoins, injuste si je liais la continuité (la suite) de mon travail à mon seul intéressement à ce genre de cinéma.
Il est vrai que la peinture de Sava Šumanović, l’homme sérieux et tragique et le peintre, m’avait séduit depuis longtemps. Il y a peu d’exemples dans l’histoire de l’art où l’on retrouve dans le personnage et son destin autant de ressemblance avec le drame humain d’artiste et d’art. Je prends peut être une grande liberté, mais je pense que je ne serai pas si loin de la vérité si je dis qu’il y a quelque chose de Faust dans cette tragédie personnelle et artistique de Šumanović.
Cet homme qui a brulé son propre cerveau pour être capable de «peindre la peinture» afin de nous procurer «l’éternel plaisir et joie pour les yeux» (comme il le disait), est mort d’une façon insensée. Sa disparition a été absurde comme la poussière et le nuage. L’objet de mon film était de montrer que ces yeux ouverts qui ont disparu dans la plaine de Srem, sont vivants et perdurent à travers la beauté qu’ils nous ont révélée. J’avais donc une profonde raison humaine d’aborder la réalisation de ce film…
Cet homme avec du tempérament, mais discret et sensible, a eu dans sa vie personnelle, dans le drame humain subjectif, toutes sortes d’écueils sur son chemin artistique. La vie et l’art, dans ce cas précis devenaient et duraient comme une chose unique. C’est justement cela que je voulais mettre dans le focus de mon film. Dans Les chemins l’évolution de la destinée de Šumanović était primordiale pour la compréhension de son œuvre artistique…
…Ce qui est le plus important : la caméra permet de découvrir au sein des particularités artistiques propres des tableaux, et le montage permet d’organiser les détails qui révèleront une partie de la biographie et de la conscience de l’artiste…

Il n’est pas rare de voir dans les tableaux de Šumanović le motif des chemins et des arbres, comme également quelques miroirs. De même, dans le centre d’un tableau peint en 1928, soit au début de sa maladie, et sans que cela ait un lien particulier avec le sujet – un paysage-  il peint un chien noir en train de courir.
Il est indéniable que ces quelques motifs ont une racine psychologique en Šumanović. Pour moi, il est évident que toute la vie de Šumanović était un voyage vers des contrées ensoleillés, un éden des plus beaux paysages de Šid, et de même, que les lignes de ses voyages personnels et artistiques étaient étroitement liées. Etait-ce par hasard que Sava Šumanović se promenait le long d’un chemin bordé d’arbres et restait des heures tout seul dans ses moments de crises nerveuses? Combien de symbolique pathétique dans le fait que c’est justement par ces  chemins de Šid qu’il a été amené à la mort en 1942 ? Ainsi, dans mon film, il m’a paru très logique de tenter de découvrir un sens documentaire plus profond de ces chemins des tableaux de Šumanović par le biais dramaturgique et par l’organisation du montage.
Comme on peut le voir, j’ai souvent utilisé des moyens purement photographiques dans la mise en scène du film Les chemins. J’ai réalisé la séquence de la folie de Šumanović en négatif avec les tableaux que nous avons eu l’occasion de voir auparavant en vision «normale» en positif, et lesquels présentés en négatif découvrent un nouveau sens. En résumé: j’ai compris la folie comme le négatif d’un état psychique normal et je l’ai réalisé techniquement comme tel.
Il est très difficile de parler d’un medium artistique si on ne parle pas la même langue; transférer l’image uniquement en texte et le son film. C’est pour cette raison que ces notes doivent être comprises comme le souvenir de la création de mes deux courts métrages. Il va de soi, qu’en me basant sur mon expérience personnelle, je voulais atteindre, par-ci par-là, quelques valeurs générales.
«Donner la vie» aux tableaux immobiles, même si cela représente une preuve convaincante de la possibilité de transformation en un film, ne devait être qu’un moyen, et pas un but. Car la seule constatation qu’un tableau immobile a pu «bouger» par le moyen d’un montage ne représente en soi aucun résultat artistique; il est nécessaire qu’une telle phrase cinématographique soit en même temps une sorte de clé qui ouvrira la porte vers les sujets de la vie que ces documents cachent.
C’est comme cela que se sont réalisés, le film Petar Dobrović, et un peu plus tard Les chemins, mon préferé de tous. » (1958)

Leave a Reply