La guerre la plus glorieuse
(SEOBE)
«La mort n’existe pas, il n’y a que des
migrations» …
«Ils sont partis et derrière eux ne resta
rien. Rien» Tsernianski
“Je suis de ceux qui ont toujours cru que Migrations était une oeuvre capitale, dit Petrovic. Et puis j’ai toujours eu très envie de la porter à l’écran, tout d’abord parce que c’est une histoire formidable dont les héros sont des marginaux d’Europe centrale au XVIIIème siècle – et les marginaux sont toujours intéressants. Ensuite je lui trouve beaucoup d’actualité, il y a un parallélisme frappant entre cette époque et la nôtre, temps de migrations et de brassages, où les règles anciennes sont tombées en désuétude sans qu’apparaissent de nouvelles lois, où les valeurs se sont perdues et où les gens vivent dans le désordre et l’indiscipline, à la recherche de quelque chose d’autre qui n’est pas encore né. C’est ce besoin de changement et cette confusion des grands moments de mutation que je cherche à exprimer en gardant le ton rhapsodique de l’écrivain.”
Production: | France, Yougoslavie 1989 |
Scénario | d’après l’oeuvre de Milos Tsernianski (Miloš Crnjanski) Aleksandar Petrović en collaboration Jacques Doniol-Valcroze |
Adaptation et dialogues: | Aleksandar Petrović en collaboration avec Jacques Doniol-Valcroze pour les dialogues |
Réalisation: | Aleksandar Petrović |
Directeur de la photographie: | Witold Dabal, Igor Luther |
Décors: | Milenko Jeremić, Boris Moravec |
Directeur artistique: | Coka Đorđević |
Ingénieur du son: | Fred Echelard |
Producteur: | Nikola Popović, Goran Crnjanski |
Montage: | Vuksan Lukovac |
Costumes: | Jacques Fonteray, Divna Jovanović |
Musique: | Marševi iz XVIIog i XVIIIog veka Srpska, ruska i grčka religiozna muzika Dragan Mladenović – Hvalite Gospoda(mp3) Olga Dusanić – Oče naš”(mp3)“ |
Choix de la musique: | Aleksandar Petrović, Branislava Petrović |
Distribution: | Avtandil Makharadze, Isabelle Huppert, Richard Berry, Bernard Blier, Erland Josephson, Dragan Nikolić, Miki Manojlović, Rade Marković, Petar Božović, Ljubomir Cipranić, Jelica Sretenović, Dobrica Jovanović, Jovan-Burduš Janićijević, Ružica Sokić, Aljoša Vučković, Stole Aranđelović, Ivica Pajer, Mladen Krstevski, Martin Obernigg, Dragana Jugović, Branislav Jerinić, Tihomir Pleskonjić, Emanuel Cenčić, Gojko Baletić, Lazar Barakov, Milan Mihailović, Radko Polic, Marija Šipka, Miodrag Krivokapić, Branislav Lecić, Vladislava Milosavljević |
Galerie:
Plus de photosA propos du livre «MIGRATIONS»
Le film est inspiré du célèbre roman de l’écrivain serbe Milos Tsernianski, “MIGRATIONS”, Prix du meilleur livre étranger en France pour l’année 1986. Il raconte le destin des mercenaires dans les guerres baroques du XVIIIe siècle, au temps de la domination austro-hongroise sur les Serbes.
« … Un chef-d’œuvre dont le réalisateur de J’ai même rencontré des tziganes heureux, Alexandre Petrovic, a réalisé une superproduction toujours invisible. » Jean-Michel Frodon Le Monde, 8 août 1991.
Chef-d’oeuvre de la grande littérature slave.” LE POINT (1986).
C’est L’AGE D’HOMME qui publie « MIGRATIONS » en 1986. Le roman a reçu le PRIX DU MEILLEUR LIVRE ETRANGER EN FRANCE.
Tsernianski est un Melville hanté par Dostoïevski. Il a fallu dix ans pour achever la traduction de “MIGRATIONS“. Il faudra moins de temps pour que l’ouvrage prenne sa place parmi les chef-d’œuvres de la grande littérature slave.
Le Monde 8/8/1991- Nicole Zand
Résumé du scénario:
Migrations raconte le destin des mercenaires dans les guerres baroques du XVIIIe siècle, au temps de la domination austro-hongroise sur les Serbes. Marie-Thérèse von Habsburg, impératrice d’Autriche veut faire la guerre aux Français, avant de s’en prendre aux Prussiens. Elle expédie devant les canons les Serbes qui, pour elle, ne sont pas tout à fait des hommes. Pourtant, ils sont prêts à tout pour reconquérir, à terme, une parcelle d’indépendance.
Nous suivons les destins parallèles des deux frères Isakovitch, Vouk et Archange. Le premier (Avtandil Makharadze) commande un régiment de mercenaires serbes qui ira faire la guerre jusqu’en France, le second (Richard Berry), marchand habile et séduisant, s’empare de Daphina (Isabelle Huppert), sa belle-soeur, qu’il a recueillie en l’absence de son frère. La tragédie et la mort seront au bout du chemin…
Festivals:
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Prix, distinctions, festivals:
pour SEOBE la version serbe de Migrations (modification effectuée par Aleksandar Petrovic pour pouvoir diffuser le film en Serbie).
- XXIIIe Festival du film à Sopot, Serbie, juillet1994. Prix Kosmaj.
- Festival du film international à Palić, Serbie, juillet 1994.
- VIIIe Festival du film Yougoslave à Herceg Novi, Monténégro, août 1994. (hors compétition).
- Festival du scénario de film à Vrnjačka banja, Serbie, août 1994.
- Festival du film international à Montréal, Canada, août 1994. (hors compétition).
- XXIXe Festival du film – Rencontres de comédiens, Niš, Serbie, août1994.
- XXVIIe Festival du film Yougoslave – Aranđelovac, Serbie, 1994.
- IIIe Festival du film Arena – Novi Sad, Serbie, septembre 1994. Arène d’honneur à Aleksandar Petrović.
- Festival du film international Cinema City, Novi Sad, Serbie, 2009 – Hommage à l’auteur national Aleksandar Saša Petrović.
Le tournage du film a suscité un grand intérêt auprès de la presse. Suite à des problèmes avec la production et la disparition d’Aleksandar Petrovic, le film Migrations (version française) n’est toujours pas sorti en France… Consulter le témoignage d’Aleksandar Petrovic sur le clip vidéo du festival Etonnants voyageurs (Lien au site).
Extraits de presse au moment du tournage du film Migrations:
Petrovic tourne Migrations:
«Un film exceptionnel, à la fois spectaculaire et intimiste, d’une ampleur et d’une force que l’on croyait perdues, un film d’action, d’émotion et d’idées, en plus, beau à couper le souffle, ce qui devrait lui faire le tour du monde…» LE FIGARO
Aleksandar Petrović à propos du film Migrations
L’impossible Serbie
Propos recueillis par Frédéric Vitoux
“Non seulement Milos Tsernianski a écrit avec “MIGRATIONS” l’ouvrage le plus important de la littérature serbe mais sûrement l’un des plus forts du siècle, de la taille du “MAITRE ET MARGUERITE“. Le cinéaste Alexandre Petrovic, qui triompha autrefois à Cannes avec «J’AI MEME RENCONTRE DES TZIGANES HEUREUX», parlerait des heures avec ce même enthousiasme. Il va réaliser, enfin, un rêve vieux de trente ans: adapter “MIGRATIONS” au cinéma, une coproduction franco-yougoslave, neuf mois de tournage et premier tour de manivelle en avril prochain…
…”MIGRATIONS”, c’est le grand roman de la diaspora serbe au XVIII e siècle. Les Turcs occupent depuis trois siècles la Serbie dont les populations se sont réfugiées en Autriche. Certains s’enrôlent dans l’armée de l’impératrice Marie-Thérèse. D’autres deviennent commerçants ou artisans. Mais leur appartenance à la religion orthodoxe fait obstacle à leur intégration sociale dans l’empire… Le premier livre est d’abord poétique, le lyrisme est amalgamé à l’histoire», commente Petrovic. «Chaque chapitre a un titre qui ressemble à un vers, et cette résonnance poétique se diffuse de page en page. Dans le deuxième livre, la narration est plus calme, plus profonde aussi. Ce qui comptait dans la première partie, c’est le destin des personnages. Par la suite, la vision s’élargit. Le destin de l’individu personnifie le destin d’une nation qui personnifie le destin de l’humanité… Les Serbes, ces marginaux de l’Europe centrale déchirés par l’histoire, vécurent des siècles dans l’illusion de la terre promise. Ils sont passés de l’Ouest à l’Est, ils ont cru à l’Autriche pour y trouver un répit, ils se sont tournés vers la Russie. Au fond, le destin tragique de ce peuple, c’est qu’il cherchait ailleurs ce qu’il devait trouver en lui-même. Pour Tsernianski, la mort n’existe pas, il n’y a que des migrations.”
Avec une ampleur et une minutie à couper le souffle, l’auteur, sorte de visionnaire, fait alterner les gros plans, les palpitations les plus secrètes, les plus convulsives des individus, et des plans d’ensemble, le fracas de milliers de figurants, d’armées et de populations en marche, comme en de longs panoramiques tournés en 70 mm. Et toujours des fulgurances poétiques, un climat fantastique qui incendient ses images. Et confie Petrovic: “C’est ce fantastique que je développerai dans le film. Il n’est ni extérieur, ni artificiel, mais surgit de l’intimité même des situations et des personnages. Je pense à Daphina qui a parfois un côté vampire, démoniaque, ou à Pavlé avec son insondable mélancolie qui est pour moi l’un des plus beaux personnages de la littérature… Dès 1957, après ma lecture de Migrations, j’ai écrit à Tsernianski, puis je l’ai rencontré à Londres. C’est à son retour à Belgrade que nous avons précisé le projet d’adaptation. Il avait vu “les Tziganes heureux” qui se passait en Vojvodine, les décors mêmes de “MIGRATIONS“, avec la mélancolie de ces paysages qui se noient dans l’eau du Danube, cette même mélancolie inguérissable de Pavlé, qu’on remarque peut-être plus chez les Tziganes que chez nous mais qui est celle de chaque être humain.”
Alexandre Petrovic le sait: adapter “MIGRATIONS” est un projet fou. Mais n’y a-t-il pas déjà de la folie dans ce livre? Avec les éclats tragiques, métaphysiques, des grands rêves qui se fracassent?
LE NOUVEL OBSERVATEUR / LIVRES (1986) – Frédéric Vitoux
MIGRATIONS:
à travers l’histoire d’une famille, l’épopée de la Serbie au XVIIIe siècle. Pour s’affranchir de la tutelle austro-hongroise, ce petit peuple regardait vers la Russie. Le temps a tranché ce débat: ni dans le sens de la liberté, ni dans le sens des Serbes.
Un film est en préparation.
Voici déjà un gros roman.
C’est un livre qui, bien entendu, ne se raconte pas (pourtant le grand réalisateur Alexandre Petrovic va en tirer un film). Migrations fait simplement surgir un monde: des villages, des masures, des palais, des villes; de multiples visages figés par l’ennui, la stupéfaction ou la haine; des paysages et des fleuves; tout commence au Danube, tout finit au Dniepr. Splendeur des parfums: celle des petits matins d’automne au-dessus des fermes; celle des chevaux en sueur et des hommes harassées; celle des maisons et des palais de Vienne emplis de femmes, de divans et de bouquets. Tout cela dans une cavalcade spirituelle et desespérée. Tsernianski est un Melville hanté par Dostoevski. Il a fallu dix ans pour achever la traduction de Migrations. Il faudra moins de temps pour que l’ouvrage prenne sa place parmi les chef-d’oeuvre de la grande littérature slave.” LE POINT (1986).
C’est L’AGE D’HOMME qui publie Migrations en 1986. Le roman a reçu le PRIX DU MEILLEUR LIVRE ETRANGER EN FRANCE.
Alexandre Petrovic tourne «MIGRATIONS»
RHAPSODIE SERBE
Un roman-fleuve est en train de devenir un film à grand spectacle
Extraordinaire marécages du nord de la Yougoslavie, village perdu aux termes du XVIIIe siècle, château de Moravie, ce sont quelques-uns des lieux où Alexandre Petrovic a commencé le tournage de “MIGRATIONS”, adaptation du roman-fleuve de son compatriote Milos Tsernianski. Hommes et chevaux y participent activement: figuration nombreuse pour réalisation spectaculaire à deux destinations: un long métrage de cinéma sur la première partie de l’oeuvre, une série télévisée en six épisodes pour la deuxième partie.
“Je suis de ceux qui ont toujours cru que Migrations était une oeuvre capitale, dit Petrovic. Et puis j’ai toujours eu très envie de la porter à l’écran, tout d’abord parce que c’est une histoire formidable dont les héros sont des marginaux d’Europe centrale au XVIIIème siècle – et les marginaux sont toujours intéressants. Ensuite je lui trouve beaucoup d’actualité, il y a un parallélisme frappant entre cette époque et la nôtre, temps de Migrations et de brassages, où les règles anciennes sont tombées en désuétude sans qu’apparaissent de nouvelles lois, où les valeurs se sont perdues et où les gens vivent dans le désordre et l’indiscipline, à la recherche de quelque chose d’autre qui n’est pas encore né. C’est ce besoin de changement et cette confusion des grands moments de mutation que je cherche à exprimer en gardant le ton rhapsodique de l’écrivain.”
Le réalisateur de J’ai même rencontré des tziganes heureux entraîne dans sa nouvelle aventure cinématographique Isabelle Huppert, Richard Berry et Avtandil Maharadze (l’acteur géorgien de Repentir) qui forment le trio central de l’histoire. Mercenaire serbe, Vuk Isakovic (Maharadze) va se battre dans les rangs de l’armée autrichienne, laissant sa jeune femme ( Huppert) à la garde de son frère Archange (Berry), qui va brûler de passion pour elle. Autour d’eux, Bernard Blier, Jean-Pierre Cassel, Marina Vlady, Christine Laurent, beaucoup d’acteurs français parmi les acteurs yougoslaves de cette saga épique dont la moindre originalité n’est pas d’avoir une version originale… française…” LE FIGARO (1987) – Marie-Noëlle Tranchant
Petrovic tourne «MIGRATIONS»
J’AI MÊME RENCONTRÉ UN REALISATEUR HEUREUX
Avec Isabelle Huppert et Richard Berry, il reconstitue un épisode de l’aventure serbe au XVIIIe siècle
S’élançant sur son cheval, un officier en cape blanche et tricorne noir trace une fulgurante diagonale dans le jardin au flamboiement automnal de ce palais fin XVIIe siècle, niché dans le vieux Zagreb. Le lourd portail s’ouvre à deux battants devant un bruyant attelage dont le cocher est flanqué d’un valet présentant en offrande l’effigie d’un saint. A l’arrière, énigmatique comme un portrait de Van des Weyden, pâle sous ses nattes en torsade et ses mèches frisées d’un blond vénitien qui auréolent son visage délicat, protégée par un grand manteau de satin gris ourlé de fourrure blanche: Isabelle Huppert. Près d’elle, c’est Richard Berry, cheveux tirés et prolongés sur la nuque par une “queue de rat”, tout noir vêtu, qui provoque ce tumulte en jetant des pièces à une meute de mendiants dépenaillés, d’enfants demi-nus qui se battent pour ramasser, mêlés à des chiens et à un âne. Des moines aux longues robes et calottes cylindriques les chassent, alors que d’élégants bourgeois en habits XVIIIe siècle contemplent la scène.
Perché sur sa grue qui déchire silencieusement l’air froid, Alexandre Petrovic ordonne ces étonnants tableaux de genre. Là où un autre réalisateur ne verrait qu’un simple passage de voitures, lui fait se croiser des actions multiples qui vont nourrir un plan-séquence jusqu’à le gorger de significations, d’émotion, de beauté, de lyrisme. Avec lui, l’amour et la foi, la politique et l’économie, le besoin d’action et celui du rêve, la folie des hommes et le mystère indéchiffrable de la destinée tissent concrètement la trame de Migrations, cette fresque historique écrite par le Serbe Milos Tsernianski.
«Avec ce film, le cinéma se souvient qu’il contient tous les autres arts», me dit pendant la pause une Isabelle Huppert qui, après l’Amérique, l’Australie, la Pologne, l’Italie, voit son “image” sans cesse retouchée. «Mais être actrice, c’est précisément être dans un état d’étrangeté», souligne-t-elle. «Et jouer, c’est essayer d’échapper à soi-même. Ainsi cette Daphina que j’incarne. Son mari, Vouk (que joue le grand acteur géorgien Avtandil Maharadze, révélé par “Repentir”), un mercenaire serbe parti se battre en 1747 avec les Autrichiens, l’a confiée avec ses enfants à son frère Archange – Richard Berry -. Mais Archange, qui aimait déjà Daphina en secret, l’entraîne chez un métropolite (c’est l’arrivée en voiture que nous venons de tourner) pour obtenir qu’il annule le mariage avec Vouk… Maudissant son mari de l’avoir abandonné, résistant à son beau-frère, se heurtant à elle même et aux autres, Daphina est dans un conflit permanent. Mais j’assume d’autant mieux les tourments de mon personnage que, comme Daphina au début de l’histoire, je suis enceinte…»
Plus beau ténébreux que jamais, Richard Berry ne joue pas pour autant les Casanova… «Si Archange remue le ciel et la terre, c’est qu’il découvre avec cet amour fou, au travers de la douleur, la faculté de se dépasser. C’est possible, parce que, avec Petrovic, tout est baroque, sur dimensionné. Il utilise jusqu’à la lie tous les moyens qui lui sont donnés, les individus comme les décors. C’est le maître de l’oeuvre à tous les niveaux. Cette fois, l’admiration que j’ai pour un cinéaste est récompensée. Je peux fantasmer avec cet ambigu Archange. Surtout je prends mon pied en participant à un film exceptionnel, à la fois spectaculaire et intimiste, d’une ampleur et d’une force que l’on croyait perdues, un film d’action, d’émotion et d’idées, en plus, beau à couper le souffle, ce qui devrait lui faire le tour du monde…»
Dans l’effervescence de la préparation du plan suivant, Petrovic avance à pas lents, tête baissée. Mais au passage, il caresse le museau d’un cheval: pour le remercier de sa participation.
“Il faut rendre au cinéma sa vraie dimension, dit-il, atteindre au niveau du spectacle pour l’âme aussi bien que pour les yeux.”
LE FIGARO (1987) – Gilbert Guez.
Isabelle Huppert tourne en Yougoslavie MIGRATIONS d’Alexandre Petrovic…
Elle est toute en sensibilité Isabelle, toute en passion aussi. Alexandre Petrovic ne s’y est pas trompé. Il lui a confié un rôle superbe dans son film aux côtés de Richard Berry. Elle y joue la femme d’un mercenaire engagé dans les guerres du XVIIIe siècle. Une fresque grandiose dont le tournage a lieu actuellement en Yougoslavie…”
VOICI (1988) Stéphane Singlard
“…Avec une équipe d’acteurs internationaux, qui compte 280 âmes, la coproduction franco-yougoslave est faite sur un roman épique qui a eu le Prix du meilleur livre étranger en France en 1986. La saga historique sur deux générations d’émigrés serbes au XVIIIe siècle, qui englobe de nombreuses batailles et histoires d’amour, est imaginée comme une entreprise de production qui s’étend sur deux ans pour un long métrage de cinéma et une série télévisée (en six épisodes). Le réalisateur Petrovic, qui dans les années soixante était nominé aux Oscars pour son film sur la guerre “TRI” et J’AI MEME RENCONTRE DES TZIGANES HEUREUX, avait des ennuis politiques en Yougoslavie, mais le voila de retour, dans un climat de “nouveaux regards”, réunissant les grandes vedettes du cinéma français et la sensation soviétique Maharadze…
Une valeur particulière, le directeur de l’images Igor Luther déjà connu pour son travail dans le film de Volker Schlöndorff “Le Tambour”.
FILM END FILMING (Grande Bretagne) 1987 – John Helford.
Propos recueillis par Boro Draskovic – “POLITIKA” –
pendant le tournage du film Migrations en 1987 en Yougoslavie:
Richard Berry parle d’Alexandre Petrovic-Sacha
« … J’adore la manière avec laquelle Sacha Petrovic comprend tout, voit et est capable de parler du chapelet que vous avez, de la bague, des chaussettes, de la poche dont vous avez besoin… comme du mouvement de la caméra, de l’éclairage, de la nourriture que nous allons manger… Je crois que je n’ai jamais connu de tel metteur en scène…
il est brillant. Complètement ouvert vers les hommes il sait comment gagner le respect et la confiance de ses collaborateurs, celles des acteurs ainsi que les miens parmi les leurs… »
Igor Luther (le directeur de la photographie) parle d’Alexandre Petrovic
« … Sacha Petrovic a de l’inspiration et j’ai l’espoir que nous allons faire un film de valeur, celui que tous le monde a envie de voir… J’aime beaucoup le style qui n’est pas narratif, et le fait que Sacha a une approche subjective de la thèmatique des Migrations, n’exposant pas uniquement les images et les faits historiques. Le tournage des Migrations, est une entreprise d’une importance et d’une envergure exceptionnelles, il exige des efforts particuliers, de la concentration et de l’énergie, il va durer longtemps, avec le changement permanent des visages, de paysages et de saisons.
Cela m’enchante. Je suis très heureux… »
Histoire d’un film confisqué
Qui libérera « Migrations »
Le film de Petrovic est en prison à Clamart
A Clamart, au fond d’un labo de cinéma, dort depuis près de cinq mois un film exceptionnel que les spectateurs n’ont pas le droit de voir. Raisons de cette clandestinité imposée : d’obscurs conflits entre producteurs et financiers : de discrètes manœuvres retardatrices de l’administration yougoslave. Tout cela bête à pleurer : sauf sans doute pour les avocats qui se portent bien, merci pour eux.
Titre du film : Migrations. Réalisateur : Aleksandar Petrovic. Acteurs : Isabelle Huppert, Richard Berry, Bernard Blier, etc. Une histoire noire et rouge tournée sur les bords du Danube. Des chevaux, de la boue et du sang. La violence sans signification de la guerre. Le drame d’un peuple dominé. Sur ce fond de décor, une passion belle et triste comme les longs nuages au-dessus du fleuve.
Migrations est un gros roman. L’histoire de sa naissance est, elle-même, une épopée grise et froide. Son auteur, Milos Tsernianski, né en Serbie en 1893. En août 1914, il est mobilisé dans l’armée autrichienne : mercenaire. Il sera contraint de se battre contre son propre pays. Migrations sortira directement de cette situation moralement insupportable. C’est en 1929 qu’il écrit et achève son roman. En 1941, il fuit l’occupation de Belgrade et se réfugie à Londres. Pour survivre, il fait dix métiers : chauffeur, serveur, employé… Il ne se plaint pas. En 1949, il entreprend la rédaction de la deuxième partie de son livre. Parution en 1963. Tout de suite, c’est un extraordinaire succès. Tsernianski rentre à Belgrade. Vers 1975, il comprend qu’il est malade. Deux ans plus tard, il meurt ; certains affirmeront qu’il s’est laissé mourir.
L’histoire continue. En 1986, Migrations paraît en français aux éditions L’Age d’Homme. Nouvel étonnement devant ce livre inclassable. En Yougoslavie, le roman prend des allures de manifeste. C’est à ce moment qu’Aleksandar Petrovic décide de porter cette énorme machine à l’écran.
Curieux destin
Objectif : un film de deux heures couvrant le premier volume. Puis six heures pour le reste du livre, à usage du petit écran. Isabelle Huppert et Richard Berry tiendront les rôles des amants maudits. On tourne pendant un peu moins d’un an en Yougoslavie et en Tchécoslovaquie. Voilà le film et ses prolongements achevés. Malheureusement, pour le moment, ce monument reste une légende. Le fleuve, les chevaux, les Autrichiens, les mercenaires et les amants reposent dans les traditionnelles boîtes rondes en fer-blanc.
Curieux destin. Comme si la malédiction qui a entraîné la non-publication du roman pendant des années, tombait aujourd’hui sur le film. Pourtant, le thème semble banal. Marie-Thérèse, impératrice d’Autriche (nous sommes au milieu du XVIIIe siècle) veut faire la guerre aux Français, avant de s’en prendre aux Prussiens : musique, uniformes et fantaisies. Les morts ne comptent pas. Marie-Thérèse, d’ailleurs, expédie devant les canons les Serbes qui, pour elle, ne sont pas tout à fait des hommes. Pourtant, ils sont prêts à tout pour reconquérir, à terme, une parcelle d’indépendance. Bien entendu, ils échoueront, et leurs descendants choisiront de s’exiler vers le pays de la liberté : la Russie. Malheureusement pour eux, la Russie est un océan dans lequel tous se noieront.
Sur ce thème, les deux scénaristes, Aleksandar Petrovic et Jacques Doniol-Valcroze (dont ce sera une des dernières œuvres) ont bâti une histoire tragique qui suit de près le roman. Qui dira la somptuosité baroque des images et la désespérance parallèle des vies ?
On voudrait comprendre pourquoi ce film étonnant n’a pas le droit de voir le jour. S’il s’agit d’argent, il serait raisonnable de l’offrir à l’attention des spectateurs. Après tout, ce sont eux et eux seuls qui paient pour regarder, admirer et rêver. Les éternels marchands de Venise toucheraient enfin leur livre de chair.
Georges SUFFERT. LE FIGARO. Le 16 novembre 1989
La Quinzaine des réalisateurs à Cannes
Migrations faisait partie du programme de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en Mai 1994. L’affiche et le press book étaient prêts. Malheureusement, pour d’obscures raisons, les coproducteurs ont empêché sa diffusion, et Petrovic, alors entre la vie et la mort à l’hôpital, n’a pu intervenir. Le film n’a jamais été diffusé à Cannes.
Extrait du press book :
« … Petrovic a réalisé une fresque lyrique et baroque d’une force stupéfiante. Une sorte de torrent romanesque apocalyptique emporte les personnages dans le fracas des batailles et des atrocités, dans la mélancolie des espoirs massacrés et des amours désespérées. Il fallait l’immense talent du réalisateur de « J’ai même rencontré des Tziganes heureux », du « Maître et Marguerite » et de «Portrait de groupe avec dame » pour mener à bien cette entreprise magnifiquement folle et audacieuse. C’est un grand film cosmique plein de brui et de fureur. » Jacques Doniol-Valcroze
Le Monde 08/08/1991- Jean-Michel Frodon
ENTRETIEN AVEC LE CINÉASTE ALEXANDRE PETROVIC
“Comment y croire encore?”
Le Figaro Magazine-10-04-1999- Jean-Christophe Buisson
Balkans les Serbes sont-ils fous?
Première de Seobe (version serbe modifiée de Migrations) à Belgrade le 28 avril 1994
Grande Salle du Sava Centar – Belgrade, Serbie
Contexte: cinq ans après la fin du tournage, la première du film a enfin lieu à Belgrade. Le pays est en guerre depuis 3 ans, Sacha Petrovic venait d’être opéré d’une tumeur au cerveau à l’hôpital Lariboisière de Paris. Il succomba à la maladie le 20 Août 1994 sans avoir vu son film en salle.
Le public belgradois n’avait pas assisté à un tel spectacle depuis bien longtemps: la première du film du film Migrations d’Aleksandar Sacha Petrović a eu lieu hier soir dans la grande salle du Sava Centar de Novi Beograd.
Un cordon de cavaliers encadrant l’entrée, des figurants en costumes d’époque tenant des torches (les costumes originaux du film réalisés par Divna Jovanović et son collègue français Jacques Fonteray, un concert de la chorale et de l’orchestre symphonique RTS (Radio Televizija Srbije), un discours du présentateur TV Milivoj Orlović n’étaient que le prélude à l’événement principal – la première solennelle du film tant attendu de Petrović.
Malheureusement, alors que cet événement était organisé en son honneur, le réalisateur n’a pu y assister en personne, pour des raisons de santé. Le public lui a cependant transmis, par son ovation et ses applaudissements, ses salutations et ses vœux sincères de prompt rétablissement.
Deux télégrammes adressés au public sont arrivés de France juste avant la projection.
«Je suis extrêmement fière et heureuse d’avoir joué dans ce film. Je souhaite et espère que le public français aura également l’occasion de le découvrir» a écrit Isabelle Huppert, la comédienne française qui interprète Daphina, le principal rôle féminin dans Migrations.
Le deuxième télégramme venait de Richard Berry (il joue le rôle d’Archange Isakovitch) : «Je considère avoir eu beaucoup de chance de jouer pour un réalisateur si impressionnant. Je suis fasciné par l’Histoire de votre pays et c’est pourquoi je me sens très proche de vos peines.»
Le seul invité international, l’acteur géorgien Avtandil Makharadze du film «Le Repentir» (Grand Prix du Festival de Cannes 1987), est entré dans la salle sous une pluie d’applaudissement. Makharadze incarne Vuk Isakovitch, le personnage principal du film. S’adressant au public, il a déclaré : «Je suis ravi de me retrouver à nouveau avec vous. Après cinq ans d’absence, j’ai retrouvé de nombreux amis à qui je tiens infiniment. La seule ombre à cette soirée est le fait qu’Aleksandar Petrović ne soit pas avec nous. L’homme qui a créé tout ce que nous avons vu n’est pas là. Si j’ai joué le rôle de Vuk Isakovitch du grand roman de Milos Tsernianski, c’est car il n’y a qu’un seul Aleksandar Petrović sur Terre. Je le remercie beaucoup pour cela.” Dubravka Lakić. POLITIKA
CAHIERS DU CINEMA (N°477 – 1994)
– Ceux qui filment…
SACHA PETROVIC Lettre adressée à Isabelle Huppert
A ma chère Isabelle, ces quelques mots à la mémoire d’un film que nous avons tourné avant cette sale guerre.
La fin du monde est proche, peu importe, il est si moche.
A ma chère Isabelle, ces quelques mots à la mémoire d’un film que nous avons tourné avant cette sale guerre. La fin du monde est proche, peu importe, il est si moche. Début 1992, Branka et moi passions la frontière yougo-hongroise. Je mets le poste… Le speaker annonce: la Yougoslavie n’existe plus. La commission d’arbitrage pour la crise yougoslave a fait connaître son “avis”: la Yougoslavie n’existe plus car, en vertu de la Constitution yougoslave de 1974 – toujours en vigueur -, les républiques fédérées “ont droit de faire sécession de la République fédérative de la Yougoslavie”. Les pays de la Communauté européenne ont décidé de reconnaître l’Etat “souverain” de Slovénie qui fait sécession, sanctionnant ainsi l’éclatement de la Yougoslavie.
Il me faut tout de suite remarquer que ladite constitution yougoslave comporte une disposition selon laquelle les frontières internationales de la Fédération yougoslave ne pourront être modifiées. En clair: aucune république ne pourra quitter la Fédération sans le consentement des autres. A l’heure de la sécession de la Slovénie, quatre républiques s’y sont opposées: la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Macédoine, la Croatie ne s’étant pas encore prononcée. La Communauté européenne a soutenu les positions des mafieux communistes, des petits Tito. Chacun voulait être Seigneur dans son fief.
Le président de la République de Slovénie, Milan Kucan, était le président du parti communiste yougoslave. Le Président de la Croatie, Franjo Tudjman, était un général communiste, chef du contre – espionnage militaire. Le Président de la Serbie, Slobodan Milosevic, était le Président du parti communiste serbe. Le Président de la Bosnie-Herzégovine, Alija Iztbegovic, était le théoricien de l’intégrisme islamiste. Le Président de la Macédoine, Kiro Gligorov, était un des plus proches collaborateurs de Josip Broz Tito, spécialisé en matière d’interdiction de production artistique non conforme à l’idéologie communiste.
C’est alors que commença l’orgie diabolique!… Les tragédies de Vukovar, Pakrac, Sarajevo, Mostar, Dubrovnik, Bratunac, avec environ cinquante mille morts et vingt mille grands invalides de guerre, avec son cortège de centaines de femmes violées et de centaines de milliers de réfugiés musulmans, serbes et croates, avec aussi la disparition de ma patrie, de celle de Branka, la patrie de nous tous.
J’ai encore ajouté à Branka: si ces magouilleurs politiques avaient organisé des élections au niveau fédéral, comme le prévoyait d’abord la Constitution, et non au niveau républicain, comme ils l’ont fait, les soixante-dix pour cent des vingt-quatre millions de Yougoslaves auraient voté pour le maintien de la Yougoslavie!
Je dirai encore ceci: en vertu d’un droit historique, la civilisation moderne ne permet plus les sécessions depuis déjà deux cents ans. En 1861, le monde n’a pas reconnu les Etats d’Amérique du Sud, tout comme la tentative de sécession de certains cantons suisses (empêchée par les armes) ou celle, au début du siècle, du Québec, ni celle d’une partie de l’Australie en 1934, ni même la sécession du Biafra, étouffée dans une mer de sang. Dans la soi-disant guerre de Slovénie, la milice slovène “attaquée” n’a pas perdu un seul homme, tandis que les jeunes gens non armés de la soi-disant armée yougoslave furent massacrés, faits prisonniers et renvoyés à demi nus en Serbie, Bosnie, Monténégro et Macédoine.
Je présente mes excuses pour ces paroles amères mais c’est dur de perdre sa patrie à soixante ans révolus.
En 1988, l’équipe du film MIGRATIONS, ton équipe et la mienne, Isabelle, tournait la scène de la prise de Saverne durant la guerre entre la France et l’Autriche, en 1747. La ville de Saverne jouait le rôle de la ville yougoslave Vukovar!… Notre “armée du cinéma”, forte de plusieurs milliers de figurants, fut composée de citoyens de Vukovar. Comme à Vukovar, le tiers de ceux-là étaient Croate, un autre tiers Serbes et le dernier Hongrois, Slovaques et quelques Allemands.
A la tête de cette armée se trouvait un Géorgien, notre cher Avtandil Maharadze. Participaient aussi à cette campagne, Bernard Blier et Richard Berry, tandis que toi, ma chère Isabelle, tu attendais au bord du Danube l’issue d’une guerre forcenée.
Notre “armée du cinéma” a pris Saverne-Vukovar en trois jours – sans morts, ni blessés, ni sans qu’aucun maison soit détruite. En 1992, l’armée yougoslave, avec quelque trois cents chars, assiégeait
Vukovar pendant plus de trois mois! Et quand elle l’a prise, la ville était complètement détruite. Et aujourd’hui des commissions diverses cherchent à établir qui a tué le plus de gens innocents.
CONCLUSION:
Il vaut mieux tourner des films que faire la guerre.
VIVE LE CINEMA – A BAS LA GUERRE!
Amicalement, ton Sacha.
Alexandre PETROVIC
scénariste et réalisateur
Aleksandar Petrović dans le rôle de l’ambassadeur russe le comte Kayzerling dans la série pour la télévision Seobe 2 (Migrations 2)
Avec Migrations, Aleksandar Petrovic avait entrepris une réalisation spectaculaire à deux destinations: d’une part un long métrage de cinéma sur la première partie de l’œuvre littéraire de Tsernianski, de l’autre une série télévisée en huit épisodes pour la deuxième partie.
Il a achevé le tournage du film Migrations mais le tournage de la série télévisée a été interrompu en 1989 pour des raisons financières.
Après sa mort, il restait environ 70% du matériel filmé qu’ Aleksandar Petrovic avait monté d’une manière sommaire comme il le faisait avec tous ses films. Son épouse Branislava Petrovic, aidée par des techniciens, a assemblé tout ce matériel en introduisant un texte explicatif et l’a présenté comme un long métrage Seobe 2. La bande sonore est en serbe.
Video Galerie:
Plus de videoIl est fréquent qu’un artiste «signe» l’œuvre de son apparition.
Aleksandar Petrovic s’est attribué le rôle de l’ambassadeur de Russie à Vienne, «Le comte Kayzerling, l’ambassadeur de Russie à Vienne en cette année 1753, est un homme trapu qui approche de la soixantaine. Il a une grande tête, aux traits nobles, comme si on lui avait posé sur les épaules un buste romain. Seules ses lèvres charnues, comme gonflées, gâchent son expression. Elles confèrent à son visage quelque chose de vaniteux et de grossier…» (Extrait du scénario original).
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