Il pleut dans mon village
“La fin du monde est proche,
peu importe, il est si moche,
peu importe, il est si moche…”
Film musical, mêlé de fantastique
Avant d’avoir tourné son dernier film Migrations Alexandre Petrović considérait Il pleut dans mon village comme son meilleur film.
Production: | Avala film, Beograd, 1968. Les productions artistes associés S.A. Paris |
Scénario: | Aleksandar Petrović |
Réalisation: | Aleksandar Petrović |
Décors: | Veljko Despotović |
Directeur de la photographie: | Alain Levent, Djordje Nikolić |
Montage: | Katarina Stojanovć |
Choix de la musique: | Aleksandar Petrović, Vojislav Kostić |
Musique: | Biće skoro propast sveta(Todor)Divan je kićeni Srem (Nikola)Ciganska je tuga pregolema (Todor i Đoka Bas)Što se bore misli moje (Nikola)U selu bejaše ciganka stara (Todor, Nikola, Đoka Bas, Čika Miša)U pustinji čuvao sam svinje (Mija Aleksić)I mi smo Sremci (Đoka Bas, Todor, Nikola, Čika Miša)Slava Srbinu (Nikola, Čika Miša, Đoka Bas, Todor) Bećarci (Nikola, Todor, Đoka Bas) |
Distribution: | Annie Girardot, Ivan Paluch, Eva Ras, Mija Aleksić, Dragomir Bojanić-Gidra |
Galerie:
Press book:
Press bookAprès J’ai même rencontré des Tziganes heureux Alexandre Petrović a des propositions très intéressantes à Hollywood, mais reste indécis. Il craint de devoir réaliser des films commerciaux alors qu’il aspire à continuer de tourner des films d’auteur. Les propositions européennes lui laissent plus de liberté d’action. La compagnie des Artistes Associés Paris lui propose heureusement un sujet.
Le scénario est inspiré d’un fait divers (un père s’accuse d’assassinat pour sauver son fils coupable) et par “Les Possédés” de Dostoïevski. Petrović découvre que le sujet et les éléments qui rentrent dans la construction de son film sont le produit de l’actualité politique et sociale du moment.
Ce film musical mêlé de fantastique, diffère des autres films par “sa structure interne” et sa technique formelle. Un petit groupe local de musiciens tziganes accompagne en musique et évoque avec les paroles des chansons tziganes et populaires l’action et l’image du moment ou la pensée des personnages.
L’arrivée d’une institutrice dans un petit village va semer un désordre intégral, conséquence du trouble créé chez les hommes du village par la jeune femme.
Résumé du scénario:
Tous les villages ont leur “folle”, tout au moins en Yougoslavie. Dans la campagne perdue de la plaine de Vojvodine, où tout est vu quand on monte sur un potiron, c’est la muette Gotza. Elle vagabonde dans son petit monde dans la poussière et la boue, jusqu’au moment où elle rencontre un homme, qui va la violer, s’amuser et rire d’elle. Le porcher Tricha est différent des autres. Il la protège. Les autres hommes du village n’aiment pas ça. Dans une noce, lorsque Tricha une fois de plus la protège, ils décident de se venger. Ils le soûlent et l’amènent, ivre mort dans une petite église pour le marier à Gotza.
Dès que le porcher déssoûlé, il répudie sa folle femme qui, un an après, met au monde un garçon. C’est le père de Tricha qui le prend chez lui.
Le village accueille sa nouvelle institutrice Reza, peintre à ses moments libres. Elle promet aux autorités locales qu’elle apprendra aux femmes à peindre si bien qu’elles iraient vendre leurs tableaux en Amérique. Les autorités lui assignent le porcher pour lui porter son matériel de peinture, le dimanche, à la campagne. Un dimanche, l’institutrice décide de peindre son intérieur ce qui se prouve fatal pour le porcher. Elle se déshabille, lui aussi et arrive ce qui devait arriver, pour l’institutrice sans importance, pour le pauvre Tricha inévitable – il tombe amoureux. Les Tziganes chantent:
“Je te donnerai des baisers,
oh, ma douce,
je le dirai au monde entier
de toi seulement mon secret
je cacherai…”
Le porcher est sûr et certain que l’institutrice partage ses sentiments, ce que d’ailleurs lui est confirmé par le bon à rien du village, Jochka le cafetier. La rêverie de Tricha s’arrête brutalement un chaud et lourd après-midi de dimanche. L’avion de l’aviation agronome s’écrase sur un arbre et le pilote moustachu tombe sur la tête de Tricha. Milantche, le pilote, ne perd pas son temps. Il part à la conquête de l’institutrice et cela lui réussi nettement mieux que l’atterrissage. Tricha est repoussé. Les Tziganes chantent:
“Fie-toi, fie-toi à la bête,
ne te fie pas à ta maîtresse
sa foi est,
telle la foi d’un clébard…”
Le malheureux porcher ne dessoûle pas. Le cafetier Jochka et les nigauds le consolent en lui expliquant que l’institutrice cherche un homme non marié et que lui, il a sa femme, la folle Gotza. Le lendemain, on découvre Gotza la tête brisée. Le père du porcher s’est dénoncé coupable, les miliciens ne le croient pas, ils veulent amener Tricha, mais à la fin, le père réussit à les convaincre de sa culpabilité.
Les Tziganes chantent:
“La fin du monde est proche,
peu importe, il est si moche,
peu importe, il est si moche…”
L’avion de l’aviation agronome est réparé, le pilote s’envole.
Pensant que tout sera comme avant, le porcher va chez Reza mais tombe sur un milicien déculotté. L’institutrice s’est vite consolée.
Après le départ du pilote, les autorités locales organisent une manifestation. Ils réclament le droit d’avoir eux aussi un avion pour leur village. On entend: “Les étudiants manifestent, pourquoi nous ne pouvons pas le faire aussi? A bas la bourgeoisie rouge!” Quelqu’un propose: “Et si l’on envoyait un télégramme à ceux qui sont là haut?” Autre question: “A qui là haut, au pilote?” Les Tziganes chantent:
“Le vent, le vent il souffle,
Les prunes tombent,
Les pauvres misérables
dépérissent éternellement…”
La colonne des manifestants s’arrête. Les paysans aperçoivent des gens bizarres qui campent à la lisière du village. Ce sont des touristes tchèques qui se sont trouvé là pendant l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie. Les paysans déconcertés se dispersent. Les Tziganes chantent:
“La fin du monde est proche,
peu importe, il est si moche,
peu importe, il est si moche…”
Le porcher Tricha ne fait que boire. Tous le monde se moque de lui. On le torture. On lui en veut car son père innocent est à sa place en prison. Les villageois apprènent que le père de Tricha est mort en prison. Jochko et les autres s’emparent du porcher ivre, attachent chaque membre aux cordes de la cloche de l’église. Tricha, écartelé, se débat violemment – les cloches se mettent à sonner.
Les paysans furieux, arrivent. Ils le frappent, de plus en plus furibonds, le battent à mort.
Le lendemain, ce sont les élections. Tout le village vote. Tout le monde arrive amenant drapeaux et banderoles. Tout le monde sauf Tricha. On l’enterre. Quelques malheureux du village et le pope suivent le cortège.
Peu après, le pope prêche dans sa nouvelle église.
L’institutrice Reza apparaît sous le porche de l’église et fixe le pope avec un regard provocateur. Celui-ci commence à bégayer, interrompt l’homélie, transpire et on entend les Tziganes:
“Mes yeux sont comme deux petits démons,
Deux petits démons,
Qui auraient fait quitter le pope de l’autel…”
Les Tziganes sont installés sur le corbillard qui traverse le village et chantent:
“Jean a fait une voiture sans roues,
Jean a fait une voiture sans roues,
Et la conduit tous les jours,
Il est soûl toujours.
“Aïe, la fin du monde est proche,
peu importe, il est si moche,
peu importe, il est si moche…”
Prix, distinctions, festivals:
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Extraits de presse:
… Nous retrouvons dans le film d’Alexandre Petrović Il pleut dans mon village le même contexte social et la même misère pittoresque que dans « J’ai même rencontré des Tziganes heureux ». Cette fois-ci cependant, le folklore permet de mettre en valeur une vision critique et presque agressive de la vie d’un village. » Pierre Billard, L’EXPRESS
« … Tout cela brille de tellement de vitalité et de rage sexuelle que cette laideur se mue en beauté à couper le souffle. » Un chef-d’oeuvre authentique.” Michel Maurdor, NOUVEL OBSERVATEUR
« … Le film évoque une atmosphère de réel et d’irréel et tend à la création d’un cauchemar de la lutte entre le bien et le mal dans laquelle le monde actuel vit. » Aldo Scagnetti
« L’histoire est simple, puissante et terrestre, mais sous l’influence de Petrović gagne en profondeur. Il transparaît que les personnes ne changent pas aussi vite que les gouvernements ni les idéologies. Même si le film n’est pas anti-socialiste, il souligne les crises qui peuvent surgir en cas de conflit entre des opinions et théories individuelles ». Gene Moskowitz, VARIETY, Etats-Unis
«Petrović aurait regretté et les personnes et l’humanité si la fin du monde survenait. Ne sachant pas comment l’empêcher, il néanmoins nous en averti, en restant conscient que la parole de l’artiste ne peux arrêter ni les tanks ni les bombes. Mais que se passera-t-il si ces paroles deviennent centaines ou milliers, et en dessous d’elles non pas dix mille signatures mais une dizaine de millions? En bref, le film politique de Petrović tient du génie artistique; notre distributeur devrait se dépêcher de traduire et distribuer le film Il pleut dans mon village et lui consacrer une attention particulière ». Otokar Van, FILMOVE A TELEVIZNI NOVINY
« L’auteur nous offre une sorte de rhapsodie villageoise, grotesque, mais dans laquelle il a su éviter l’anecdote et le folkore. La tension lyrique, l’émotion, la sincérité, l’humanisme, nous voici loin du film stalinien qui devrait aider à transformer la structure de la société. A l’opposé de cela, Petrović prouve que rien ne change, que l’homme conserve en soi le capital de bien et de mal. Ce qui importe, c’est la façon brutale et crue grâce à laquelle Petrovic extrait des thèmes éternels d’un microcosme campagnard. » Hugues Vehenne, LE SOIR
« Il pleut dans mon village est un film sans pitié, très douloureux, agressif par son symbolisme concret et simple. En dépit de la censure, une grande brèche est ouverte à l’Est comme à l’Ouest, c’est le moment de vérité, lorsque l’homme décide de son destin, en tant que cinéaste et homme. Avec une écriture tellement différente de celle de Jancso, Petrović, à sa manière dure et rigoureuse, dit quasiment les mêmes choses.» Henri Chapier, LE COMBAT
Au moment de la sortie du film, il y a eu des dizaines de critiques dans les presses française, italienne, allemande, tchéco-slovaque, polonaise et autres pays européens. Petrović a été reconnu comme un artiste représentatif du cinéma moderne européen.
A la presse Yougoslave qui lui reprochait de montrer trop de misères avec les Tziganes, il répondait :« Dans mon film les Tziganes sont pareils aux Serbes, Roumains, Slovaques et aux autres. Quoi que, j’ai un comportement ironique avec mes personnages, mais c’est le comportement que j’ai en général envers tout le monde. » A.P
Aleksandar Petrović à propos de
Il pleut dans mon village
Extraits d’une interview d’Alexandre Petrović:
Il pleut dans mon village est en fait aux antipodes de J’ai même rencontré des Tziganes heureux.
Tandis que le film précédent parlait du problème de la liberté dans un monde de liberté absolue, dénué de toutes obligations possibles envers soi et envers la société, Il pleut dans mon village dévoile le problème de la liberté dans un monde sans liberté, encadré par les traditions, les moeurs et les restrictions sociales et psychologiques. Donc, malgré la similitude de l’ambiance, le Il pleut dans mon village parle de l’envers du problème J’ai même rencontré des Tziganes heureux – d’un autre aspect de la vie.
Il pleut dans mon village est, dans mon travail créatif, l’exemple le plus significatif du choc entre le bien et le mal. Je voulais que ce film soit l’oeuvre qui détruira les frontières entre le réel et l’irréel, se plaçant dans les espaces du rêve et de la vie. En évoluant dans cet univers de l’irréel, j’ai soudain découvert que l’instant actuel de la vie, avec des chars soviétiques à Prague, avec toutes les divergences possibles de notre monde, sociales, politiques, idéologiques et autres s’incorporent extraordinairement dans la structure de mon film. Ces événements se recoupent avec le thème du film et avec la région dans laquelle il est situé, avec l’endroit entre le réel et l’irréel. Car, il ne faut pas être particulièrement futé pour constater que ce qui arrive cette dernière année est quelque chose qui nous aurait semblé comme un rêve il y a seulement quelques mois. Partant de mon sujet, j’ai rencontré sur les lieux du tournage des nouveaux éléments qui se sont incorporés dans ce sujet. D’autre part, dans le contexte politique et social, ils entrent dans la réalité sublime de notre temps. Comme par exemple, le portrait d’Ernest Che Guevara dans le petit village de Vladimirovac, ou les tentes des touristes tchèques dans la campagne perdue de Vojvodine, puis les restes des journaux déchirés avec les photos de la tragédie du Biafra. Du coup, c’était clair que le sujet qui est dans sa substance identique avec le thème des “Les Possédés” de Fiodor Dostoïevski, est le produit direct du temps actuel.” (Pendant le tournage du film les chars russes sont rentrés dans Prague, c’était le printemps de Prague).
… Je pars dans un univers qui est dans un certain sens la mesure et la structure de la société. Je reviens sur la terre. Je n’ai pas d’état d’âme sur des thèses quelconques. Pour moi, seul existe l’homme nu, dans la situation psychologique, morale et sociale telle quelle est aujourd’hui…
… Je fais le film qui a son sujet et son état d’âme poétique avec le souhait de faire ce qui est le principal: l’oeuvre artistique.
Toutes les oeuvres artistiques, sans aucun doute, ont une influence sociale, mais il ne faut pas exagérer, car seule la compréhension stalinienne de l’art et de la société partait de la supposition que l’influence sociale par l’oeuvre artistique était très grande et que la même influençait bénéfiquement, incontestablement, la conscience humaine et le changement du monde. C’est sans doute à cause de ces suppositions que les chars soviétiques se sont attardés plus longtemps devant l’association des écrivains que devant l’état major de l’Armée. Mais c’est seulement une illusion! L’Art est uniquement une des particules qui forme l’esprit humain, c’est à la sociologie de résoudre quels sont les chemins de cette influence et quel est le mécanisme de cette formation. Ma prise de position, dès le départ, n’était pas politique mais poétique. Les implications politiques qui en découlent sont le résultat de la projection de l’oeuvre artistique dans les sphères sociales.
… C’est sans contestation mon film le plus difficile! Aussi bien dans sa réalisation structurelle comme sur le plan formel. Il a été difficile d’accorder toutes ces différentes formes de l’esprit humain, toute cette polyvalence de l’âme. A part les difficultés de style, d’autres questions se sont posées dans le travail, notamment avec les acteurs.
Plus que pour mes films précédents, j’ai eu pour Il pleut dans mon village une nette graduation des contrastes dans le choix des personnages d’artistes. D’un côté la célèbre vedette internationale Annie Girardot, de l’autre côté un grand nombre de personnes qui n’ont jamais joué. Pour harmoniser le jeu, j’ai été beaucoup aidé par le fait que la vedette de mon film Annie Girardot est aussi une grande actrice.
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